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Breaking Truth

poustite
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Synopsis
Dans un monde où l’oubli est loi, refuser est un crime. Neran voit ce que personne ne devrait voir : des personnes effacées, des lieux modifiés, des souvenirs niés. Quand il dit « non », la réalité cède… et le monde le désigne comme une anomalie. Pour survivre, il devra plonger au cœur du Voile — cet espace instable entre perception et vérité — et découvrir un pouvoir interdit : celui de refuser l’effacement. Mais chaque refus l’éloigne un peu plus de ce qu’il était. Traqué par les Sentinelles, hanté par ce qu’il ramène à l’existence, Neran devra choisir : préserver l’ordre, ou imposer une nouvelle réalité — la sienne.
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Chapter 1 - Chapitre 1 : Le silence sous la pluie

La pluie tombait comme un linceul, bourdonnant contre les toits fendus du Sillon. Les flaques dans les ruelles semblaient refléter un autre ciel, un monde penché, où les angles refusaient la logique. Neran avançait, les mains dans les poches, les épaules nouées, la capuche trempée collée à sa nuque.

Autour de lui, les gens passaient vite, silencieux. Trop silencieux. Même les enfants ne criaient pas. Il y avait quelque chose de cassé dans cette rue, un vide à peine visible. Et il le sentait, comme une griffure derrière les yeux.

C'était toujours comme ça quand ça allait se produire.

Il s'arrêta au croisement de deux ruelles. L'air vibra, une onde subtile. Un homme qui lisait un journal leva la tête. Son visage… flotta, un instant, comme si sa peau hésitait sur sa forme. Puis il reprit sa lecture. Neran recula d’un pas.

Quelque chose n’allait pas.

Une femme arriva de l’autre côté de la rue. Brune, manteau rouge, visage fermé. Elle tenait un panier de fruits. Elle croisa l’homme, tourna à droite. Neran cligna des yeux.

Et elle disparut.

Pas comme si elle était partie. Pas comme si elle s’était cachée. Elle n’existait plus. Le trottoir où elle marchait avait changé de texture. Le trottoir n'avait jamais porté son poids. Même le panier était absent, et pourtant, Neran pouvait encore sentir la trace de sa couleur dans sa rétine.

Il tourna la tête. Les autres passants ? Rien. Aucune réaction. Comme si elle n'avait jamais été là.

— Non… murmura-t-il.

Un vertige s’empara de lui. Son souffle se coupa. Le monde se mit à trembler, mais seulement pour lui. Un clignement de réalité. Il serra les poings. C’était faux. Ce n’était pas une illusion. Il se souvenait d’elle. Il se souvenait de son manteau, de sa démarche.

Il refusa.

Le mot n'était pas dit. C'était une pensée, un cri interne. "Non. Elle était là."

Quelque chose se fissura dans l’air.

Une ligne blanche, fine, se dessina dans le vide, entre deux murs. Une sorte de coupure. Et à travers elle… la femme réapparut. Titubante, perdue, comme si elle s’était endormie en marchant.

Les gens autour sursautèrent. Une vieille recula. L’homme au journal baissa les yeux lentement, puis froissa le papier.

Une silhouette apparut alors, en haut du bâtiment en face. Haute, fine, vêtue d’un manteau de brume. Un masque pâle sur le visage. Un Œil dans la main gauche, qui palpitait comme un cœur inversé.

Une Sentinelle.

Neran recula d’instinct.

La Sentinelle descendit lentement, sans marcher. Comme aspirée par l’idée de descendre. Elle ne regardait que lui. Il le sentait. Comme si le masque cherchait son âme.

Il courut.

Ses jambes frappaient le pavé avec une urgence animale. La pluie se mit à tomber plus fort. Des affiches sur les murs se décollaient, montrant des slogans absurdes : "La réalité vous protège." — "Ne pensez pas trop." — "Votre sécurité dépend de votre silence."

Il tourna dans une ruelle, sauta une barrière, glissa sur un sac détrempé. Derrière, il entendait… rien. Aucun pas. Mais il savait qu’elle suivait.

Il entra dans un entrepôt abandonné. Le métal grinça. L’intérieur puait la rouille et l’huile morte. Il se cacha derrière une colonne.

Silence.

Puis une voix, douce et monstrueuse, résonna dans son esprit :

> — Tu ne devrais pas voir ce que tu vois.

Il se mordit la lèvre jusqu’au sang. Il voulait crier, nier, disparaître. Mais une pensée monta.

"Je ne veux pas oublier. Je ne peux pas."

Il ferma les yeux. Et il prononça une phrase, sans voix, sans son, mais pleine de volonté :

"Ce qui est vrai pour moi ne peut être effacé."

Le monde tressaillit.

L’entrepôt… changea. Ou plutôt, il redevint ce qu’il aurait toujours dû être. Une pièce avec des graffitis, une lumière brisée, et un miroir dans le coin. Et dans le miroir… la Sentinelle n’y était pas.

Elle n’avait jamais été là.

Neran ouvrit les yeux. Il se voyait, seul. Trempé. Vivant.

Et effrayé.

Car il venait de dire non à quelque chose de plus grand que lui. Et la chose l’avait entendu.

Derrière le miroir, juste à la limite de sa vision… une autre silhouette l’observait. Pas la Sentinelle. Quelqu’un d’autre. Quelqu’un… qui souriait.

Puis tout redevint normal.

Il s’écroula au sol, haletant. La pluie, toujours, battait la tôle au-dessus de lui. Mais maintenant, il savait.

Le monde mentait.

Et lui, il ne mentirait plus.