Chapitre 3 – Le poison de la confiance
Cassie rentrait enfin chez elle. La journée avait été longue, pleine de rapports à rédiger et de discussions tendues avec des chercheurs bornés. Son sac en bandoulière lui sciait l’épaule. Tout ce qu’elle voulait, c’était se poser, prendre une douche chaude et dormir.
Dès qu’elle franchit la porte, une odeur familière de lavande l’accueillit. Grace était dans la cuisine, souriante et accomplie.
— Tu es rentrée, dit Grace sans se retourner, concentrée sur sa tisane.
— Maman… Est-ce qu’Ana est rentrée, finalement ? demanda Cassie en posant son sac près du canapé. Je suis désolée de ne pas avoir pu la gérer. J’ai essayé, vraiment.
Grace se tourna vers elle avec un grand sourire.
— Je suis désolée pour le ton que j’ai pris toute à l'heure, ma chérie. Ce n’était pas juste. Tu as fait de ton mieux, je le sais. Et oui… Ana est rentrée. Je me suis occupée d’elle, tu n’as plus à t’en faire.
Cassie souffla, soulagée, puis s’installa sur le tabouret près du comptoir. Grace posa devant elle une tasse fumante.
— Tiens. Tu avais l’air épuisée, alors je t’ai préparé quelque chose pour mieux dormir. Une tisane au tilleul…
Cassie hésita, mais la fatigue la rattrapa brutalement. Elle porta la tasse à ses lèvres.
— Merci, murmura-t-elle.
Elle ne remarqua pas le regard appuyé de Grace, ni l’ombre de tension dans ses traits tout comme elle n'avait pas remarqué que Grace avait glissé quelque chose dans sa tasse.
Elle prit la tasse et but une gorgée. Le liquide glissa doucement sur sa langue, réchauffant ses entrailles. Un instant, elle se sentit apaisée, mais une étrange sensation de vertige s’empara d’elle, l’empêchant de garder les yeux ouverts. Son cœur se mit à battre plus vite, mais elle n’avait pas la force de se lever, de s’échapper. Ses paupières se fermaient lentement et elle finit par tomber du tabouret.
Grace s'agenouilla à côté d'elle, caressant doucement ses cheveux.
_ « Ce n'est pas de ta faute, Cassie.Et je m'excuse encore d'avoir parlé sur ce ton avec toi. C'est juste que… tu sais, j'essaie de faire ce que je peux pour aider tout le monde, mais parfois, ça devient trop. »
Le ton de Grace était empli de tendresse, presque comme une promesse silencieuse qu'elle ne laisserait jamais sa fille tomber. Cassie, rassurée par ces mots, laissa la fatigue l'envahir complètement. Elle ferma les yeux, sentant l'obscurité se refermer autour d'elle.
_"Tu vas bien aller, Cassie. Détends-toi, et laisse tout ça derrière toi. Je suis là maintenant , t'as plus besoin de garder ce masque de louve solitaire et forte . Je vais prendre soin de toi"
Grace se leva lentement, regardant sa fille sombrer dans un sommeil profond. Un léger sourire flotta sur ses lèvres, avant qu'elle ne disparaisse dans l'ombre de la maison.
(Le lendemain , 8h)
Cassie clignait des yeux. Une lumière blanche perçait ses paupières. Son crâne était lourd, sa langue pâteuse, et une sueur froide lui collait la peau. Elle se redressa lentement, paniquée.Elle n’était plus chez elle. Son front perla de sueur froide alors qu’elle regardait autour d’elle, les yeux écarquillés. Elle n’était pas dans son lit. Ni même dans sa chambre.
Une lumière tamisée perçait à travers des planches de bois clouées à la va-vite. L’odeur de cendres, de terre et de plastique fondu lui monta au nez, la forçant à se couvrir la bouche d’un geste tremblant. Elle était dans un hangar, une sorte de vieille grange. L’air était lourd. Oppressant.
Ses jambes fléchirent sous elle alors qu’elle se levait péniblement. La tête lui tournait, et un étrange goût métallique persistait sur sa langue. Son cœur battait fort dans sa poitrine, mais rien n’expliquait ce qu’elle faisait là.
Elle chancela jusqu’à une voiture garée non loin. La sienne. Portière entrouverte. À l’arrière, une couverture imbibée d’un liquide sombre gisait en boule.Sur le siège passager : un bidon d'essence vide.Dans le coffre… des vêtements brûlés, noircis. Des allumettes. Une brosse à cheveux fondue. Et sur ses mains, des résidus de cendre.
Cassie se figea .
Elle fouilla sa mémoire. Rien. Absolument rien après cette tasse de tisane. Le trou noir total.
Plus loin, une bâche brûlée dégageait encore une faible fumée. Et au sol, sous ses pieds, des traces noires, circulaires, comme si quelqu’un avait tenté de brûler des objets... ou des corps.
Cassie recula d’un pas, son souffle se saccadant.
— Non... non non non...
Quelque chose s’était passé cette nuit.Quelque chose d’inavouable.Et elle n’avait aucun souvenir.
Elle sortit son téléphone. Aucun réseau. Elle s’approcha d’une fenêtre fissurée et tenta à nouveau. Rien. Un bip sec lui indiqua que sa batterie était presque vide.
C’est là qu’elle sentit une chaleur étrange lui remonter le long de la nuque. Son pouvoir. Ce n’était pas le moment. Son angoisse monta d’un cran.
— Contrôle-toi... contrôle-toi, murmura-t-elle en serrant les poings. Ce n'est pas le moment...
Mais son corps refusait d’obéir. Une impulsion brusque jaillit de sa main droite, frappant le mur de bois qui vola en éclats. Une onde violente, invisible, traversa l’air autour d’elle, renversant un vieux tonneau et projetant une étagère au sol. Le hangar gronda sous la force invisible.La vieille grange explosa dans un fracas assourdissant, projetant des morceaux de bois et de tôle tout autour d’elle.
Cassie s’effondra à genoux. Elle respira fort, le visage trempé de larmes, les mains couvertes de cendres.
— Qu’est-ce qui m’arrive ?...
Et pendant une seconde, un frisson la parcourut. Comme si, tout au fond d’elle, quelque chose s’était réveillé.
Cassie tombaà genoux, le cœur au bord de l’implosion, les yeux remplis de larmes.
Elle n’avait pas seulement perdu la mémoire.
Elle avait perdu le contrôle de ses pouvoirs.
(Chez les Decker : 10h a.m , dans le manoir)
Cela faisait une semaine que Mel avait du mal à dormir. Les cauchemars revenaient chaque nuit : sa mère baignée dans le sang sur cette voiture et son regard figé dans la mort .Elle se réveillait toujours en sueur, le souffle court, les mains tremblantes.
Ce jour-là, Sky avait proposé qu’elles sortent prendre l’air. Mel avait refusé. Comme toujours.
— Tu peux pas continuer à t’enfermer dans cette maison, Mel. Maman aurait voulu qu’on vive, pas qu’on se laisse mourir à petit feu, dit Sky en refermant brusquement la porte de la chambre.
Mel serra les dents. Sa gorge se noua. Elle descendit au salon, seule. Elle allait attraper un verre d’eau lorsqu’unbruit étrange résonna à l’étage. Un cri étouffé.
_Sky ?
Le cœur de Mel se serra. Elle lâcha le verre, qui se brisa au sol. Elle courut dans les escaliers. Tout s’embrouilla dans sa tête. Trop de bruit. Trop de tension. Trop de peur. Elle commençait déjà à imaginer sa soeur ,morte ,dans le même état que sa mère.
— SKY ! cria-t-elle en ouvrant la porte de la chambre.
Mais Sky n’était pas là.
Le miroir vibra légèrement. Une ombre passa dans le reflet — ou était-ce une illusion ?
Mel recula, la main contre sa poitrine.
— Arrêtez... arrêtez ça...
Et soudain, tout changea.
L’air se densifia. Un bourdonnement grave monta dans ses oreilles. Les bruits cessèrent brusquement. Le tic-tac de l’horloge en bas s’interrompit. Les oiseaux dehors restèrent suspendus dans le ciel.
Mel resta figée, les yeux grands ouverts.
Puis, des bruits de pas derrière elle.
— Mel ?! appela Sky, qui apparut dans l’embrasure de la porte, une expression inquiète sur le visage.
Mel sursauta. Sky… n’était pas figée. Elle semblait parfaitement consciente de tout.
— Tu… tu m’entends ? demanda Mel, les mains tremblantes.
— Bah oui. Pourquoi tu cries comme ça ? T’as vu quelque chose ? Tu m’as fait peur, répondit Sky, fronçant les sourcils.
Mel regarda autour d’elle. Tout était encore silencieux. Aucun vent. Aucun mouvement dans les arbres.
Tout… sauf Sky.
Elle avait figé le monde. Mais pas sa sœur.
— Je… je sais pas ce qui vient de se passer, balbutia Mel, en reculant. J’ai… crié et puis… tout s’est arrêté. Mais toi… toi, t’étais pas figée…
Sky s’approcha doucement.
— Mel, est-ce que tu te sens bien ? T’as encore pas dormi, hein ?
Mel secoua la tête. Elle ne comprenait rien.
— Je crois que… j’aifigé le temps.
Un silence tomba entre elles.
Sky écarquilla les yeux.
— Attends, tu plaisantes là ? demanda Sky en fronçant les sourcils. Figer le temps ? Genre, comme dans les films ?
Mel ne répondit pas. Son regard allait d’un objet à l’autre, chaque détail du décor semblant hurler l’irréalité. Les rideaux étaient figés dans le souffle d’un vent qui ne soufflait plus. La trottinette du gamin d’à côté, laissée au milieu du trottoir, était immobile, même le chien du voisin qui aboyait chaque matin était suspendu dans une pose étrange à travers la fenêtre.
— Je t’assure, Sky… C’est comme si tout s’est arrêté d’un coup. J’ai crié… et bam. Plus rien.
— Et tu sais comment le "débam-er" ? demanda Sky en essayant de détendre l’atmosphère, même si son ton trahissait l’inquiétude.
Mel secoua la tête, le souffle court.
— Non. J’ai paniqué, j’ai crié… j’ai eu peur. C’est sorti tout seul. Maintenant… je sais pas comment annuler ça.
— Ok. Ok… respire, on va gérer ça. On va sortir, voir jusqu’où ça va.
Elles descendirent les escaliers ensemble. Dehors, tout semblait baigné dans une lumière presque irréelle. Le soleil ne bougeait plus, suspendu à l’horizon. Le vent ne soufflait pas. Les voitures étaient arrêtées net, les passants figés dans leur geste.
— C’est pas juste la maison, murmura Sky. C’est tout le quartier…
Elles marchèrent lentement sur le trottoir, dépassant une vieille dame arrêtée au milieu d’un passage piéton, sac de légumes en main. Une voiture était immobilisée à quelques centimètres d’elle. Le conducteur, figé dans un geste de stress, la main sur le klaxon.
— C’est flippant… dit Sky en regardant autour d’elle.
Mel se tourna vers elle.
— Pourquoi toi t’es pas figée ?
Sky ouvrit la bouche, puis la referma.
— J’en sais rien. Peut-être parce qu’on est… connectées ? Sœurs ? Tu pensais à moi quand t’as crié ?
Mel réfléchit.
— Je crois… Je pensais que t’étais en danger. J’ai paniqué pour toi. C’est peut-être pour ça que tu bouges encore.
— Bon, bah panique pour la ville maintenant, lança Sky avec un sourire nerveux.
Mais Mel n’arrivait pas à rire.
— Je crois que j’ai un vrai pouvoir, Sky.
Sky la regarda longuement.
— Et si c’était lié à maman ? À sa mort ? À… quelque chose qu’elle savait sur nous, mais qu’elle a jamais pu nous dire ?
Mel détourna le regard.
— Peut-être . Mais pour le moment ce qui est le plus important c'est de remettre tout et tout le monde en marche.
Mel tourna sur elle-même au milieu de la rue, prise de panique.
— Je peux pas laisser les choses comme ça ! Si ça reste figé, ils vont tous... rester coincés ? Mourir ? Je sais même pas !
Sky posa une main sur son épaule.
— Calme-toi. T’as figé le temps en criant, ok ? Peut-être qu’il suffit de refaire la même chose… à l’envers ?
Mel hocha la tête, bien qu’elle n’y croyait qu’à moitié. Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration, et pensa à sa mère. À ce vide, depuis sa mort. À ce monde figé, qui ressemblait trop à l’absence.
— Reviens… murmura-t-elle. Je veux que tout revienne à la normale. S’il te plaît.
Rien.
Elle rouvrit les yeux, mais le silence planait encore.
Alors, elle leva les bras, rassembla tout ce qu’elle ressentait — la peur, le doute, la colère — et cria de toutes ses forces :
— DÉFIGE-TOI !
Un frisson secoua l’air. Une bourrasque invisible passa entre les maisons. Puis, lentement, un oiseau reprit son vol. Un klaxon retentit. Les rideaux se mirent à bouger. Le monde reprenait son souffle.
Sky ouvrit de grands yeux.
— Tu l’as fait…
Mais Mel ne souriait pas. Elle tremblait. Elle n’avait aucune idée de comment elle l’avait fait.
— Je crois que je suis en train de devenir un monstre.
Alors que Mel, effrayée par son pouvoir naissant, retrouvait à peine le souffle, ailleurs, une autre tempête s’abattait.
Pendant ces découvertes et ses tiraillements entre soeurs à l'autre bout du continent , Cassie venait de se faire escorter jusqu'au poste de police .
Cassie clignait difficilement des yeux sous les lumières aveuglantes. Sa tête tournait encore, les souvenirs flous, le cœur battant à toute vitesse. Elle était assise à l’arrière d’une voiture de police. Devant elle, deux agents parlaient bas à la radio.
— Vous êtes certaine qu’elle était portée disparue depuis plus de vingt-quatre heures ? demanda l’un des policiers à la radio.
Une voix féminine répondit :
— Oui. Je suis sa mère. Elle n’a jamais fait ça. Je me suis inquiétée. Merci de l’avoir retrouvée.
Cassie fronça les sourcils. Sa mère ? Disparue ? Pourquoi Grace aurait-elle dit ça ?
La voiture s’arrêta brusquement. Un des policiers ouvrit la portière.
— Mademoiselle Carter, vous allez devoir nous suivre. Ce n’est pas qu’un simple malaise. Vous avez été retrouvée sur une scène de crime. Il y a eu… un meurtre.
Cassie sentit tout l’air quitter ses poumons.
— Un… quoi ?
— On vous expliquera au poste. Il y a des éléments qu’on doit éclaircir avec vous. Notamment l'essence et les alumettes utilisées pour brûler ces corps retrouvées à proximité… dans votre voiture . Et le fait que vous étiez seule sur les lieux
La porte claqua. La voiture redémarra.
Et Cassie, démunie, fixait la vitre, son propre reflet flou lui renvoyant une image qu’elle ne reconnaissait plus.
Quiz
(Je vous propose un petit quiz afin de voir ce que vous pensez de l'évolution de l'histoire...)
D'après vous :
Cassie a elle un lien avec les deux autres filles ?(Sky et Mel) Lequel,selon vous?
Et pourquoi Grace a sauvé sa fille Ana , rebelle pour mettre tout sur le dos de son autre fille Cassie , la fille parfaite , sage et intelligente?
(Je serai plus que ravie de voir ce que vous pensez de tout ça , alors n'hésitez pas!
Un chapitre supplémentaire sera publié si la bonne réponse est donnée dans les 10 prochaines heures !)